Cette course était un projet de long terme, un rêve qu’on veut réaliser un jour, avant d’être trop vieux pour cela. Lorsqu’en janvier, je reçois un message disant que je ne suis pas tiré au sort, je me dis que cela sera pour une autre fois. Puis en avril, nouveau message disant que j’étais retenu.

De la joie, bien sûr, mais aussi de la crainte car il reste finalement peu de temps. Je me construis alors un plan d’entraînement que j’espère spécifique et adapté…

20 octobre, ligne de départ, et comme tout le monde, un mélange d’envie et de stress, dans l’attente du coup de sifflet libérateur. Puis on libère les fauves (pour certains, le terme est approprié, à croire qu’ils n’ont pas conscience du temps qu’il leur reste pour s’exprimer..).Les premiers kilomètres sont difficiles car je ne sais quel rythme adopter ; ni trop lent, ni trop rapide.

P1130932Au 15ème kilomètre, première alerte avec ma cheville fragile qui se dérobe et me fait hurler de douleur. La course ne peut pas s’arrêter là, pas après tant d’efforts ! Je repars sur un pied au milieu des champs de cannes à sucre.

Entre le 20è et le 51 ème km et le passage à Mare à Boue, les sensations sont très bonnes (sauf cette satanée cheville qui part 3 fois de plus…). Le jour s’est levé et je profite pleinement de l’ambiance et du paysage, de cette végétation luxuriante, des fougères géantes. Peu attentif (et gourmand), je mange plus que de raison à ce ravito et repars trop vite. Au bout de 15 min, la digestion est bloquée et le long chemin de croix commence. Les sensations sont moins bonnes, et j’avance au ralenti. Je suis étonnamment fatigué mais peu importe. J’avance à mon rythme et cela en sera ainsi jusqu’au bout. Je l’ai compris, je fais avec. A Cilaos (67è km), je me fais strapper et masser, prend le temps (environ 1h15) et profite de la venue de Nath et Alexis (un vrai bonheur). Le corps peine mais la tête va bien.

Je pars à l’assaut du Taibit mais il fait chaud. Les sentiers n’en finissent pas de monter. Les marches sont permanentes, et pour moi, elles sont hautes…Les kilomètres passent néanmoins et je trouve ceux qui me doublent particulièrement alertes ! La nuit tombe quand je commence à descendre dans le cirque de Mafate. Dommage car le paysage est magnifique (je le verrai plus tard). La montée du Maido s’annonce dure, je le sais. La fatigue commence à se faire sentir. J’essaye 3 micro siestes de 15 min mais il est compliqué de s’isoler.

Je lève la tête et pense apercevoir des étoiles, mais non, ce sont des coureurs, très haut au-dessus de moi. La montée me semble interminable. J’arrive en haut de « tête dure » un peu avant 6h00, sous le ballet des hélicoptères et les encouragements d’un public déjà nombreux. J’attaque les 1700 de descente et trouve le meilleur coin à sieste du monde. Heureusement que mon timeur m’a réveillé sinon je pense que j’y serai encore !

La journée s’enchaîne sur un rythme très lent et je souffre vraiment de la chaleur. Mais peu importe, j’avance et rien d’autre ne compte. Lorsque j’arrive à la Possesion, je suis cuit à tous les sens du terme. Ras le bol, mais encore une fois, peu importe. Je sais que la chaleur va diminuer et il ne reste que 21 kms. Ce sera les plus longs de ma vie de traileur, plus du fait de la fatigue que de vraies douleurs. IMG_20161022_230133

Et cette angoisse permanente de me « péter » la cheville et que la course s’arrête net. C’est usant. J’arrive enfin en haut de Colorado, au sommet de la dernière descente. Je me doutais que  cette partie était difficile au regard des temps mis par les meilleurs traileurs. Je l’imaginais. Là, je l’ai vécu. Je m’accroche aux branches, m’assoie sur les rochers pour limiter les risques, mais les lumières de la ville semblent ne jamais se rapprocher. Puis la rumeur augmente, et je sais que l’arrivée est proche. Je rejoins enfin la route. Plus que quelques mètres.

Nathalie, Alexis, Hervé et Nathalie (qui nous ont hébergés) attendent. Je vis cet instant magique de parcourir les derniers mètres en courant avec Alex et Nathalie. La ligne est franchie, enfin… Un vrai bonheur, une délivrance aussi.

Une course de fous, je confirme. Des chemins qui ne laissent aucun répit sur les 2 derniers tiers de la course. Une amplitude thermique forte, de 5° la nuit à 2200m à 31° à l’ombre le second jour,… mais aussi une ambiance de folie, des gens accueillant, des enfants qui vous offre de la mangue sur le parcours en pleine chaleur, et même des réunionnais qui semblent souffrir autant que moi, pauvre « zoreille »…

De vrais beaux souvenirs, même si il y a de nombreux aspects sur lesquels j’aurai pu être plus efficace….

Olivier Bayle